l'exportation d'eau ....

Bateaux d'eau pour Barcelone: craintes des écologistes

photo 1 / 1 Boris Horvat

Importer de l'eau par bateau, comme le fait Barcelone, la capitale de la Catalogne, frappée par une sécheresse sévère, doit rester une solution exceptionnelle, selon les associations écologistes qui craignent l'amorce d'"un business de l'eau".

Un premier bateau citerne, chargé de 36.000 m3 d'eau (36 millions de litres), a quitté mardi Marseille (sud-est de la France) pour Barcelone. Au total, un million de m3 d'eau, vendue par la Société des eaux de Marseille (SEM) et le Canal de Provence, iront alimenter les canalisations barcelonaises durant une période de trois mois.

La facture pour Barcelone, qui importe aussi de l'eau de sa voisine Tarragone, s'élève à 22 millions d'euros par mois.

"Il ne s'agit pas d'une opération commerciale mais de solidarité pour une période et une quantité limitée", souligne le directeur de la SEM Marseille-Provence, Alain Meyssonnier, dont la société avait déjà participé à une première opération de secours à la Sardaigne, en 1989.

Mais pour Victor-Hugo Espinosa, président de l'association marseillaise Ecoforum, "c'est la porte ouverte à la marchandisation de l'eau".

Le directeur des programmes de conservation au WWF France, Bernard Cressens, redoute le même scénario: "Pour les pays qui ont de l'argent, ce sera une mauvaise habitude", estime-t-il, cela ne va pas les encourager à économiser l'eau.

"Barcelone aurait pu choisir de rationner", note M. Cressens, regrettant "un gaspillage généralisé" de cette ressource qui se raréfie. "Tout le bassin méditerranéen va être confronté à des pénuries d'eau, vu l'explosion de la population, du tourisme, des espaces verts et de l'agriculture", avertit-il.

L'agriculture est particulièrement pointée du doigt, notamment en Espagne. "Ce pays a été très loin dans l'irriguation de ses cultures", au détriment parfois des besoins de la population, souligne Michel Rousseau, vice-président du comité national de l'eau.

Face à ce constat, les responsables locaux, au lieu d'économiser, tentent d'aller chercher ailleurs ce qu'ils n'ont plus sur place.

"Il y a eu des délires du style +on va remorquer des icebergs d'eau douce+. On construit des barrages démentiels, des usines de dessalement, les captages bretons vont chercher l'eau à 8O kilomètres, on puise dans les nappes phréatiques...", énumère M. Rousseau, également administrateur de l'agence de l'eau Loire-Bretagne.

Un projet catalan de dérivation des eaux du Rhône, évoqué il y a une dizaine d'années, a refait surface, au grand dam de M. Rousseau: "Si on pompe dans le Rhône, c'est autant d'eau douce qui n'arrive pas dans la mer, essentielle pour la vie de l'estuaire".

Délégué régional de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse, Michel Deblaize, juge qu'un tel pompage serait "loin d'assécher le Rhône". "Mais l'eau est devenu un produit extrêmement rare et précieux. On ne peut pas continuer à l'utiliser sans se poser de questions ou chercher à l'économiser", ajoute-t-il.

Pour François Mauvais, directeur de l'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (Astee), la solution pour employer au mieux cette ressource et arbitrer entre ses différents usages serait de créer "un régulateur national". Et de préconiser, outre les restrictions, l'utilisation généralisée des eaux usées pour l'arrosage, le colmatage des fuites du réseau...

"Il faut anticiper, inventer des solutions, examiner tous les circuits économiques. On ne peut continuer comme avant", conclut M. Rousseau.